Bulletin du CREIS numéro 20

Bulletin du CREIS n°2, Mars 2000 : Informatique et société

(NB : L’ensemble des numéros est disponible au Centre de Documentation du CREIS)

Sommaire

  • Douzième colloque international du CREIS « Téléservices publics Usages et citoyenneté » – Appel à communication
  • A propos du fichage
  • Le fichage, une fatalité ? Aménagements technologiques à défaut d’alternatives
  • Le commerce électronique, un point de vue pour appréhender les nouvelles questions concernant le fichage
  • Informatisation du système de santé
  • La carte vitale 2 : un passage en force
  • Informatisation du système de santé : pour préserver la sphère privée des citoyens
  • Protection des données individuelles de santé ou transparence du système hospitalier : un faux débat……..
  • Séminaire Informatique, Réseaux et Société
  • Internet et démocratie locale
  • Internet et vie associative
  • Vers une nouvelle loi Informatique et Libertés
  • 19ème Rapport d’activité de la CNIL (dossier de presse)

Editorial

L’actualité de ces derniers mois souligne incontestablement la pertinence de la problématique  » Informatique et société « .

Il y a eu la peur du bogue. Des énergies considérables et des sommes rondelettes (2500 milliards de francs dans le monde) ont été consacrées pour éviter le pire. La catastrophe annoncée n’ayant pas en lieu, certains se sont interrogés sur la nature du risque :  » Bogue : le bluff du siècle ?  » titrait Le Monde du 6 janvier 2000. Son édito se concluait par : les informaticiens  » ont su jouer, avec l’aide des médias, de la grande peur du bogue. Au bout du compte, il y eut des excès, une panique injustifiée et des dépenses peut-être abusives, mais ce fût aussi de l’activité bienvenue et de la modernisation utile.  » Qu’aucun expert n’ait été en mesure de prévoir les conséquences exactes des dates mémorisées sur six chiffres, dont deux pour l’année, est pour le moins significatif de la vulnérabilité de la société face à la toute prégnance de l’informatique.

Alors que les informaticiens mettaient la main aux dernières corrections, plusieurs d’entre eux manifestaient et étaient en grève à l’appel des syndicats CGT, CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC pour obtenir une  » vraie réduction du temps de travail « . Ils étaient plus de 8000 dans les rues de Paris et de province le 26 novembre 1999. Leur crainte est grande de se voir imposer le statut ( !) de cadres  » autonomes  » pour lesquels l’amplitude de la journée de travail peut être de 13 heures même si le nombre de jours travaillés, 217 jours, diminue (sur le papier du moins). Dans la profession des informaticiens, comme dans bien d’autres, la volonté patronale de gommer certains acquis, à l’occasion de la négociation sur les 35 heures, est grande. La prise en compte de la formation sur le temps de travail est également au cœur des négociations puisque l’article L 932-2 du code du travail précise :  » Un accord de branche ou d’entreprise peut prévoir les conditions dans lesquelles le développement des compétences des salariés peut être organisé pour partie hors du temps de travail effectif.  »

L’actualité informatique c’est aussi l’actualité financière et boursière.

Dans sa dernière livraison, Le Monde Diplomatique traite, sous la plume d’Ignacio Ramonet, de la nouvelle économie. Je lui emprunte ces quelques lignes :  » Saisis d’une brûlante fièvre d’opulence, rêvant de pactole facile, encouragés par la plupart des médias, des essaims d’investisseurs (anciens et nouveaux) se ruent presque partout sur les Bourses comme naguère les chercheurs d’or sur l’Eldorado. Les cours de certaines valeurs liées à la galaxie Internet explosent. L’an dernier, une dizaine de compagnies ont vu la valeur de leurs actions multipliée par 100. D’autres comme American On Line (AOL), ont fait mieux : leur valeur a été multipliée, depuis 1992 par 800 !  »

C’est dans ce contexte, que le 10 janvier 2000 a eu lieu l’annonce de la fusion AOL – Time Warner (grand groupe de communication). Comme le note Richma Alibay dans Internet Actu n° 18 (http://www.internetactu.com/) :  » c’est l’explosion des valeurs Internet qui permet à AOL de profiter d’une capitalisation boursière deux fois supérieure à celle de Time Warner (165 milliards de $US contre 84) malgré un chiffre d’affaires cinq fois inférieur (5 milliards de $US contre 27).  » Elle conclut son article par :  » Combien vaut un internaute ? La question vient immédiatement à l’esprit quand un fournisseur d’accès et de services Internet comme AOL met la main sur un poids lourd des médias traditionnels comme Time Warner. L’internaute vaut très cher quand il est encore libre, qu’adviendra-t-il de lui une fois entré au club ? « .

Le 3 avril, le verdict tombe : Microsoft est coupable de violation de la loi anti-trust américaine. Il lui est reproché d’avoir eu des pratiques illégales pour conserver son monopole. Le juge Jackson a qualifié le comportement de Microsoft de  » prédateur  » et a commenté :  » Plus largement, les pratiques anticoncurrence de Microsoft ont entravé le processus compétitif à travers lequel l’industrie du logiciel informatique stimule généralement l’innovation pour le plus grand bénéfice du consommateur.  »

En une journée, la capitalisation de Microsoft a été amputée de 80 milliards de dollars (550 milliards de francs, bien plus que le rapport de l’impôt sur le revenu des français en 1998 qui était de 304 milliards de francs!). Et le mouvement a continué pour atteindre 140 milliards de dollars… Je voudrais juste rapprocher ce chiffre d’un autre : le G7 a annoncé, comme un effort considérable, un allégement de 65 milliards de dollars de la dette des pays en développement soit 3% de leur dette totale, aujourd’hui supérieure à 2 000 milliards de dollars. Dans la foulée le NASDAQ qui retrace l’évolution des valeurs technologiques cotées à la bourse de New York, après avoir dépassé l’indice 5000 début mars est retombé à 3770, en dessous de sa valeur de début d’année. Certains y voient un retour à la normale (mais qu’est-ce à dire quand, d’après Politis N° 596,  » des sociétés sont évaluées à des prix représentant plusieurs siècles de chiffres d’affaires « ?) et un avertissement à ceux qui voient dans la  » nouvelle économie  » un nouvel Eldorado.

A l’heure de la  » nouvelle économie « , du commerce électronique, de la constitution d’énormes bases de données sur les habitudes des consommateurs…, fournir aux étudiants en informatique, en particulier, des outils pour les aider à comprendre les enjeux économiques, sociaux, culturels… de leur technique, demeure d’actualité. C’est pourquoi le CREIS est intervenu dans le débat qui accompagne la réécriture du programme pédagogique national des départements informatique d’IUT en demandant qu’y figure, en tant que tel, un module  » Informatique et société « , alors que la tendance est à diluer cet enseignement dans les modules d’économie, d’organisation et de gestion. Espérons être entendus…

Maurice Liscouët

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