Thèse : Visioconférence et enseignement supérieur :

le processus d’innovation, des expérimentations aux usages

 

Cette recherche porte sur les utilisations de la visioconférence dans l’enseignement supérieur français, dans les années 90. Ces utilisations, généralement mises en œuvre grâce à des partenariats entre des acteurs de l’offre technique et des acteurs éducatifs, participent à la fois à un processus d’innovation technique et à un processus d’innovation éducative. Nous montrons que le processus d’innovation technique, allant de la conception et de l’expérimentation de prototypes aux utilisations de réseaux techniques et de terminaux en série, se caractérise par la recherche de modalités de convergence multimédia selon les logiques sociales des filières dominantes (les télécommunications et l’informatique). En revanche, le processus d’innovation éducative, allant des expérimentations éducatives (visant le changement pédagogique, organisationnel ou institutionnel) aux usages, se caractérise par l’emprise de la communication comme idéologie et technique de gestion du social.

 

L’objectif principal de la thèse est d’articuler la   conception et l’expérimentation d’un prototype avec sa stabilisation comme produit en série et son utilisation. Nous étudions trois prototypes, issus de la recherche et du développement du Centre National d’Etudes des Télécommunications. Nous montrons quel sont les modèles d’usager idéal intégrés par les concepteurs dans ces prototypes de visioconférence et comment les utilisateurs éducatifs tentent d’adapter ces modèles à leurs propres contextes d’usage. S’ensuivent des négociations et conflits entre concepteurs et utilisateurs, suite auxquels les modèles d’usager inscrit dans le dispositif technique, ainsi que les fonctionnalités techniques, sont modifiés.

Nous montrons également comment la médiation entre l’innovation technique et l’innovation éducative, entre innovateurs techniques et innovateurs éducatifs, est réalisée par quatre catégories d’usagers:

-                   les usagers-concepteurs, utilisateurs disposant de compétences techniques, les amenant à participer directement au processus d’innovation technique. Ce sont généralement des enseignants-ingénieurs spécialisés dans l’informatique. En partenariat avec des acteurs techniques, ils testent des modalités de convergence entre les télécommunications et l’informatique ;

-                   les usagers-leaders, promoteurs de l’extension d’un réseau d’utilisateurs, selon la stratégie des acteurs techniques ou du financeur ;

-                   les usagers-intermédiaires, responsables de projet ou chargés de mission dans les établissements utilisateurs, rendant possible l’opérationnalité des partenariats entre les acteurs de l’offre technique et les acteurs éducatifs ;

-                   les usagers-techniciens, ingénieurs et techniciens des services communs audiovisuels ou informatiques des universités. 

 

Nous notons, dans le champ éducatif, l’émergence d’usages isolés et la généralisation des expérimentations – à la fois éducatives et techniques. Cherchant à expliquer cette généralisation, nous observons l’institutionnalisation de l’innovation éducative et la professionnalisation de l’expérimentation technique. Celle-ci est due à des acteurs éducatifs, usagers-concepteurs participant directement au processus d’innovation technique.

Les utilisations auto-référentielles, dont le contenu porte sur le dispositif technique utilisé, sont symptomatiques de ces tendances. Leur essor témoigne de l’émergence d’une nouvelle configuration éducative définie par la prévalence de la formation professionnalisante et de la recherche technologique, dans une optique de développement économique et d’aménagement du territoire. Ce sont d’ailleurs les collectivités locales qui ont rendu possibles les premières expérimentations techniques et éducatives de la visioconférence.