Philippe RICAUD

Maître de Conférences

en Sciences de l’Information et de la Communication

IUT de Dijon – LIMSIC (Université de Bourgogne)

 

 

 

 

 

Le contrôle de la population pénale :

Vers une articulation renforcée entre informatique et biométrique

 

 

 

Le système carcéral tel que nous le connaissons actuellement est régulièrement la cible de critiques plus ou moins radicales. Les problèmes montrés du doigt vont des droits de l’homme, aux conditions de vie et à la surpopulation, en passant par les conséquences familiales, le coût pour la société, etc. Il faut cependant reconnaître que ces critiques ne sont pas restées sans effet et, depuis une trentaine d’années, les conditions de détention se sont considérablement humanisées. Parallèlement, la population carcérale n’est plus la même que dans les années soixante-dix. En tête des infractions commises, viennent les agressions et les délits sexuels (23,3%) suivies du délit de vol simple et qualifié (18,2%). La petite délinquance, chez les jeunes notamment, a pris des proportions qui auraient été inimaginables trente ans plus tôt. Sans oublier l’augmentation sans précédent depuis la Libération du nombre de détenus, toutes catégories confondues.

 

C’est ainsi que des alternatives à l’incarcération ont vu le jour, mises en œuvre à plus ou moins grande échelle, comme les Travaux d’Intérêt Général[1]. D’autres sont à l’étude ou à l’essai. La question de fond que l’incarcération pose aujourd’hui semble bien la suivante : faut-il se contenter de poursuivre l’humanisation de la prison ? Ou bien faut-il développer d’autres formes de sanction ? Cette seconde voie permettrait de désengorger les prisons et de mieux adapter la peine au délit et au détenu.[2]

 

C’est dans ce contexte que se pose, à son tour, la question du contrôle de la population pénale par les nouvelles technologies. Cet exposé illustrera par deux exemples que les nouvelles technologies permettent de prendre le relais de l’architecture en ce qu’elles sont capables d’exercer le même contrôle, autrement dit d’assurer le quadrillage et la discipline mais sans l’enfermement. Un cadre juridique se met progressivement en place. Mais, alors que la technologie progresse vite et ouvre de nouvelles voies, la question de la limite que le législateur voudra placer pour concilier le droit et la liberté individuelle suit une temporalité beaucoup plus lente.

 

Coup d’œil sur la prison française

Comme l’a analysé Michel Foucault[3], la peine d’enfermement remonte au tournant du 17ième et du 18ème siècles. Elle est l’aboutissement d’une lente évolution qui a eu pour premières étapes le bannissement, puis les supplices. Ces derniers comportaient, il est vrai, de sérieux inconvénients. Ils variaient selon la condition du condamné et ne permettaient pas une quantification de la peine. Avec l’incarcération, tout cela change. Celle-ci s’applique sans distinction de position sociale et est dosée en fonction de la gravité de la faute, des circonstances dans lesquelles elle est commise et du principe d’individualisation. Il va sans dire que l’inégalité de traitement n’a pas complètement disparue mais on doit reconnaître que les plus grandes disparités se sont atténuées. A tout prendre, la prison semble plus égalitaire et plus douce que les sévices subis par les condamnés sous l’Ancien Régime. Ce qui ne doit pas surprendre puisqu’elle a été pensée de manière rationnelle par des philanthropes.

 

Or, au nom du même esprit d’humanité, la prison est soumise à une critique en règle. Les motifs sont nombreux. On reproche à la prison de ne pas s’en tenir à la privation de liberté et d’inclure d’autres sanctions comme la privation de vie familiale. De ne pas favoriser la réinsertion, d’être même une école de la délinquance. D’être un lieu où les droits fondamentaux de la personne ne sont pas respectés. A partir des années soixante-dix, les droits des détenus ont été progressivement reconnus ou étendus : droit à l’information[4], liberté (surveillée) de correspondance, parloirs sans séparation, meilleur accès aux soins, extension du droit à l’instruction à tous les détenus, etc. Des réformes sont actuellement testées, telles les unités expérimentales de visite familiale (UEVF). Cependant, ces évolutions ne suffisent pas à faire taire les critiques parce qu’elles portent en fin de compte sur le principe de l’enfermement et pas seulement sur ses conditions.

 

A cela s’ajoute un état inquiétant du parc pénitentiaire. Les rapports les plus récents stigmatisent la vétusté des locaux, le coût que représentent les détenus, la surpopulation. Ces problèmes sont d’ailleurs soumis à une causalité circulaire et s’aggravent chaque fois que le gouvernement se lance dans une politique sécuritaire.

 

C’est dans ce contexte que les nouvelles technologies font leur apparition. Elles permettent d’envisager à partir des années quatre-vingt dix de nouvelles formes de contrôle.

 

Le PSE : une alternative à l’enfermement

Mis en place à partir de février 2000, le placement sous surveillance électronique (PSE) est un régime de liberté conditionnelle[5]. Il est réservé aux détenus n’ayant pas plus d’un an de peine à purger et avec un sérieux projet de réinsertion. Il permet l’assignation dans un lieu déterminé, d’un rayon de 45 mètres environ. Là, le détenu peut exercer sa profession, vivre entouré de ses proches, bref il se trouve dans des conditions qui le préparent à sa réinsertion. Le système permet de fixer l’assignation dans un lieu et un régime de liberté dans un autre. Le détenu peut, par exemple, se rendre sur son lieu de travail puis passer le reste de son temps à son domicile, si ce programme a été autorisé par le juge d’application des peines (JAP). Il suffit de fixer le créneau horaire pendant lequel le placé doit être chez lui. Il appartient à ce dernier de toujours se trouver au bon endroit au bon moment.

 

Le système électronique permettant le PSE est composé de trois éléments :

- un émetteur sous forme de bracelet électronique porté à la cheville ou au poignet ;

- un récepteur sur le lieu d’assignation (les signaux transitent par la ligne téléphonique) ;

- un centre de surveillance, enfin, situé dans les locaux de l’administration pénitentiaire et qui centralise les messages émis par les récepteurs.

Le tout est géré informatiquement. Financièrement, le gain est net. Un détenu incarcéré coûte à la société une centaine d’euros par jour. Ce chiffre tombe à moins de 25 euros avec le PSE.

 

La justice a autorisé un total de 1234 PSE depuis le début de l’expérience. Actuellement il y en aurait 233[6]. 13 prisons (sur 187) sont dotées des équipements adéquats. On déplore 74 détenus qui se sont vus retirés leur bracelet faute d’avoir respecté les règles du PSE et 9 évasions. Ces chiffres sont jugés très satisfaisants par l’administration pénitentiaire. En cas d’alarme, le surveillant appelle le placé. Pour parer à la tentative de substitution (rien ne garantit à 100% que la personne qui répond au téléphone est bien le placé), c’est un système de questions qui permet une relative authentification du placé. L’administration pénitentiaire envisage le recours aux techniques biométriques (authentification vocale, faciale ou digitale) pour fiabiliser l’authentification de l’appelé. Le PSE est donc appelé à reposer sur une articulation entre informatique et techniques biométriques.

 

Dans quelle mesure le PSE permet un nouveau type de contrôle ? Dans la mesure où ce n’est plus un contrôle qui repose sur l’architecture. En effet, reposant sur la privation de liberté et sur la surveillance, la prison correspond à un système de pouvoir et, pourrait-on dire, à un mode de pensée concernant la sanction – combinaison d’un système de quadrillage, de discipline (pour la surveillance) et d’une architecture très particulière. Les moyens de contrôle sont les suivants :

- la clôture (murs, portes, grilles) ;

- la surveillance (miradors, gardiens, œilleton, panoptique, etc.) ;

- la censure (du courrier entrant et sortant, mise au secret, l’isolement, etc.) ;

- les sanctions (le quartier disciplinaire ou « mitard », la privations de visites ou de promenades, etc.).[7]

 

Le PSE est, en France, dans un état de développement intermédiaire, situé entre l’expérimentation à très petite échelle (comme en Finlande ou au Portugal) et l’utilisation plus ou moins généralisée (comme en Suède, aux Pays-Bas, en Angleterre et bien sûr aux Etats-Unis). La France est sortie de la phase expérimentale proprement dite et l’utilisation du PSE y monte actuellement en puissance. Cette progression devrait être accrue par la récente loi dite Perben II, parue au Journal Officiel du 11 mars dernier (2004). Cette loi donne au Directeur des Services pénitentiaires d’Insertion et de Probation (DSPIP) la possibilité de proposer le placement sous surveillance électronique. A partir du 1er janvier 2005, le PSE pourra être prononcé dès le jugement. Enfin, le juge des enfants pourra décider le PSE pour un mineur, cela même en l’absence d’un avocat. Nul doute que le PSE est promis à un bel avenir.

 

D’une manière générale, les technologies de surveillance assistée par ordinateur connaissent un boom exceptionnel. En dix ans, leur part de marché a été multiplié par deux. En France, le chiffre d’affaires de la surveillance numérique dépasse désormais celui de la surveillance humaine. L’humain est supplanté par l’électronique.

 

Fichier d’identification biométrique

Les identifiants biométriques pourraient devenir la pierre angulaire d’un système de contrôle encore à venir. La biométrie consiste à identifier un individu à partir de ses caractéristiques physiques (empreintes digitales, iris, forme de la main ou du visage). Ce secteur est considéré comme très prometteur en matière de sécurité et en particulier en milieu pénitentiaire. La biométrie permet, entre autres, d’éviter les évasions par substitutions, comme celle en août 2002 où un détenu a été remplacé par son jumeau lors d’une visite au parloir. Celles-ci sont pourtant beaucoup moins courantes que celles par hélicoptère ou par explosif.

 

Depuis juin dernier (2003), un arrêté du ministère de la justice autorise la généralisation dans les prisons d’un système de reconnaissance biométrique de l’identité des détenus, couplé avec une carte d’identité infalsifiable. Ainsi, le prélèvement sur les condamnés pour une infraction visée par l’article 706-55 du CPP est obligatoire. Refuser de s’y soumettre est passible d’une amende de 7. 500 à 30. 000 euros et de 6 à 24 mois de prison (art. 706-56 du CPP). Le coût d’une station biométrique s’élève à environ 50.000 euros. Il est prévu que chacun des 187 établissements pénitentiaires français en soit doté, soit une dépense de plus de 9 millions d’euros. Deux sociétés tiennent une place importante sur le marché de la biométrie : A7 Protection et Zalix Biométrie.

 

D’autre part, attendu depuis quatre ans par les enquêteurs, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est désormais opérationnel. Créé par la loi du 17 juin 1998, il est capable de comparer des profils ADN. Tous les prélèvements d’ADN stockés depuis la fin des années quatre-vingts dans les différents laboratoires spécialisés convergeront vers le service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) (installé à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis), dans l’enceinte de l’Institut de recherche criminologique de la gendarmerie nationale. Les profils enregistrés sont ceux de personnes condamnées et ceux établis à partir de traces relevées sur des scènes de crime. Les profils des suspects ne sont pas stockés, seulement introduits le temps de la comparaison. La conservation et la centralisation des prélèvements est autorisée pour une durée de 40 ans ou jusqu’au 80ième anniversaire de l’intéressé. La mise en place et l’exploitation de ce fichier sont confiées à la police, qui dispose d’un logiciel permettant de faire les rapprochements avec de nouvelles saisies.

 

De plus, suite au vote de la Loi sur la Sécurité Quotidienne (LSQ), ce fichier ADN a subi une extension considérable. Au départ il ne concernait que des personnes condamnées pour une infraction à caractère sexuel (exhibitionnisme, agressions, viols). Désormais il est élargi à la plupart des crimes (meurtres, vols avec violence, etc.). La liste des infractions s’est allongée, incluant notamment les crimes « avec violences volontaires ». La CNIL s’est plusieurs fois opposée à l’établissement d’un fichier national pour des raisons d’éthique et de liberté. Elle n’a pu résisté à la demande des états, ou du Conseil de l’Union Européenne, qui par exemple en 1997 a incité « les Etats membres à se doter de bases nationales de données susceptibles, dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants, de faire l’objet d’échanges et de rapprochements internationaux ». Cela avec l’approbation tacite ou déclarée du citoyen dans une époque qui connaît la montée des affaires de pédophilie.

 

Essai d’interprétation

Il est intéressant de se référer à la notion d’institution totalitaire développée par Goffman. Le terme « totalitaire » ne doit pas être pris dans le sens politique qu’il a pris au cours du 20ième siècle. Par totalitaire, Goffman désigne toute institution qui pousse très loin le degré de contrainte exercée sur les individus qui dépendent d’elle. Alors que nous appartenons, ordinairement, à plusieurs sphères relationnelles selon l’activité qui nous occupe (la famille, le cadre de travail, le cercle des amis, etc.), l’individu en situation totalitaire ne dépend que d’une seule institution, laquelle est tout à la fois son cadre de vie, son lieu de travail et son seul espace de socialisation. D’où le caractère exceptionnellement « enveloppant » des institutions totalitaires, caractère marqué la plupart du temps par « les barrières qu’elles dressent aux échanges sociaux avec l’extérieur, ainsi qu’aux entrées et aux sorties, et qui sont souvent concrétisées par des obstacles matériels […] »[8] Goffman cite explicitement la prison comme exemple d’institution totalitaire « destiné[e] à protéger la communauté contre les menaces qualifiées d’intentionnelles, sans que l’intérêt des personnes séquestrées soit le premier but visé. » [9]  Avec le contrôle biométrique, la première question qui vient à l’esprit est : le contrôle biométrique informatisé répond-il aux caractéristiques des institutions totalitaires au sens de Goffman ?

 

Pour répondre à cette question, passons en revue quelques uns des traits partagés par la plupart des institutions totalitaires. Tout d’abord, le reclus – c’est-à-dire toute personne vivant en milieu totalitaire – est comme retiré de la vie normale, dont il est séparé par un fossé presque infranchissable. La vie recluse est en particulier incompatible avec la vie familiale. Considéré sous cet angle, force est de reconnaître que le PSE ne présente pas le caractère totalitaire de la prison, puisque sa raison d’être est de faciliter le retour progressif à la vie normale.

 

Le placé, même s’il ne jouit pas d’une liberté sans limite (il ne cesse pas de dépendre de l’administration pénitentiaire et peut réintégrer sa cellule en cas de faute de sa part), peut recevoir des amis, vivre au milieu des siens, et exercer une activité professionnelle sédentaire. En prison, les visites sont espacées et surveillées. Au quotidien, c’est avec ses codétenus et les surveillants que le prisonnier entretient des relations humaines. Les échanges sont forcément réduits au strict minimum et asymétriques, maintenant le détenu dans un état d’infériorité. En revanche, le placé retrouve une saine diversité de rapports humains, avec un contrôle administratif allégé.

 

En outre, il lui est loisible d’écouter la radio, de lire les journaux, de recevoir du courrier, de se tenir informé comme n’importe quel citoyen. Aucun signe extérieur ne distingue le placé du reste de la population : le bracelet est très souvent porté à la cheville pour être invisible une fois recouvert par le pantalon.

 

Par contre, le placé est assimilable à un reclus dans la mesure où il reste soumis à une autorité impersonnelle, à un système d’organisation bureaucratique qui le prend complètement en charge. Comme tout reclus, il est tenu dans l’ignorance des décisions qui les concernent directement. Son sort dépend d’une décision administrative. Il n’est pas libre de ses déplacements (de ce point de vue, le PSE est une prison sans murs ni barreaux), ni de modifier son horaire quotidien comme bon lui semble. Il est soumis à des contrôles réguliers, à un suivi dont dépendra la poursuite ou non de l’expérience.

 

Par ailleurs, Goffman a souligné combien l’entrée dans l’univers carcéral s’accompagne d’une dépossession de soi (perte de son passé, de son nom, de son statut social, de son intimité, etc.) et d’un enregistrement selon des caractéristiques anthropomorphiques (taille, empreintes digitales). La biométrique est la forme scientifiquement la plus avancée que prend cet enregistrement et son informatisation renforce le contrôle tout en le rendant peu visible. Certes le détenu est conscient de l’enregistrement de son empreinte ADN, même s’il ne se prête pas volontiers à cette procédure. Mais ce qu’il ignore, la plupart du temps, c’est ce que ces données deviennent, qui y a accès, et pendant combien de temps elles sont conservées. C’est la même ignorance qui plane sur le fait de figurer ou non dans les grands fichiers de la police, comme c’est le cas avec le Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC). Ce fichier, créé en 1993, est souvent apparenté à une sorte de second casier judiciaire. Il répertorie les auteurs d’infractions de 5ième classe, environ six millions de  personnes (soit 1 Français sur 10). Tout citoyen est en droit de se demander : suis-je « stiqué » ? Or l’objectif pour les années à venir est de généraliser les grands fichiers de police et de prévoir un accès partagé entre les services.

 

On a beaucoup évoqué le contrôle de type orwellien. On peut se demander si, à la faveur du croisement des nouvelles technologies et de l’informatique, celui-ci n’est pas en train d’être supplanté par un modèle qu’on pourrait qualifié de kafkaïen. En effet, nous sommes (techniquement du moins) en mesure de glisser d’un contrôle attaché à un lieu matériellement circonscrit et clos, à l’écart de la société civile, et soumis à une surveillance panoptique, vers un contrôle d’un type nouveau par son ampleur et son efficacité. Un contrôle indépendant de tout lieu, reposant sur le fichage biométrique, sur la « traçabilité » des individus, sur des dossiers informatisés en accès partagé, et soumis à la toute-puissance d’une bureaucratie impersonnelle et froide qui en saurait plus sur le citoyen que l’intéressé lui-même.

 

Et demain ?

Ce rapide survol de l’impact nouveau de l’informatique dans le contrôle de la population pénale et/ou délinquante permet de penser qu’on pourrait, dans les décennies à venir, abandonner de plus en plus la logique de l’enfermement pour laisser place à une logique privilégiant les moyens de contrôle par l’information. Il s’agit d’un contrôle à distance, immatériel, presque invisible. Il n’en est pas moins réel et efficace.

 

A noter que si elle est rendue possible grâce aux nouvelles technologies, cette évolution répond à une évolution des mentalités, notamment en période de forte demande sécuritaire. Le conflit entre besoin de sécurité et besoin de liberté, des philosophes comme Hobbes et Rousseau ont tenté de le résoudre par un compromis : un pacte entre les individus selon lequel chacun renonçait à une partie de sa liberté contre un surcroît de sécurité. A partir de quand l’équilibre est-il rompu ? Au-delà de quel seuil est-on fondé à parler de contrôle abusif ? La réponse ne peut pas être simple et il appartiendra au législateur de marquer une limite. Mais à l’heure des décisions, il faudra garder à l’esprit l’avertissement d’Orwell pour l’appliquer aux nouvelles technologies : « Ce que nous demandons avant tout à un mur, c’est qu’il tienne debout. S’il tient debout, c’est un bon mur, et savoir à quoi il sert est une tout autre question. Et pourtant, le meilleur mur du monde mérite d’être abattu s’il entoure un camp de concentration. »[10]

 

S’il est vrai qu’on peut juger une société à ses prisons, les interrogations sur le système carcéral de demain devraient permettre de se figurer, au moins en partie, ce que pourra être la société de demain et la place probable que l’information y tiendra.


 

 

Références

 

BOULLANT François, Michel Foucault et les prisons, PUF, Philosophies, 2003

CARDET Christophe, Le placement sous surveillance électronique, L’Harmattan, Paris, 2003

COMBESSIE Philippe, Sociologie de la prison, La Découverte & Syros, Paris, 2001

FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Gallimard, Tel, 1975

GOFFMAN Erving, Asiles, Etudes sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Minuit, Paris, 1968

Le contrôle des conditions de détentions dans les prisons d’Europe, Actes d’un colloque européen (25-27 octobre 1996)

Quelle prison pour demain ? (Colloque du 26 avril 2001), La Documentation française, 2002

VASSEUR Véronique, Médecin-chef à la prison de la Santé, Le Cherche-Midi, Paris, 2000

VIMONT Jean-Claude, La prison, A l’ombre des hauts murs, Gallimard, Paris, 2004

 

 

 

 



[1] Les travaux d’Intérêt Général (TIG) ont vingt ans. Votée à l’unanimité le 10 juin 1983, la loi instituant les TIG est entrée en vigueur le 1er janvier 1984. On compte aujourd’hui plus de 19.000 « tigistes ».

[2] Voir le livre de Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé dont l’impact a été considérable à sa sortie en 2000. A noter également divers colloques, entre autres : Le contrôle des conditions de détentions dans les prisons d’Europe, Actes d’un colloque européen (25-27 octobre 1996) ; ou bien : Quelle prison pour demain ? (Colloque du 26 avril 2001), La Documentation française, 2002.

[3] Voir Surveiller et punir, Naissance de la prison, Gallimard, Paris, 1975.

[4] Les journaux ont été autorisés en 1971, la radio en 1974, la télévision en 1985. Internet est encore interdit, pour d’évidentes raisons de sécurité.

[5] Pour une introduction, voir CARDET Christophe, Le placement sous surveillance électronique, L’Harmattan, Paris, 2003.

[6] La population pénale avoisine les 60.000 détenus.

[7] Les entraves (boulet, chaînes, cangue) et le droguet (la tenue réglementaire du prisonnier) ne sont plus en usage. Le travail, qui était un « élément de la peine », a été supprimé en 1987. Subsiste le travail librement consenti et rétribué (bien que le taux de rémunération soit faible) pour l’indemnisation des victimes, ou en vue de la réinsertion sociale ou, tout simplement, pour cantiner.

[8] GOFFMAN Erving, Asiles, Minuit, Paris, 1969, p. 46.

[9] id.

[10] ORWELL George, Essais, articles, lettres, Editions Ivrea, Paris, 1995, vol. III (1943-1945), p. 208-209.