Appel au rejet du projet de loi : « relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement »

Lettre commune de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) et de Wikimedia France, Paris, le 15 juin 2021

Après son adoption le 2 juin dernier par l’Assemblée nationale, le Sénat doit maintenant se prononcer sur le projet de loi « relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement ». Au regard des graves dangers que porte ce texte, les organisations membres de l’Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN) et Wikimedia France [1] appellent à refuser l’emballement sécuritaire imposé par le gouvernement et à rejeter ce projet de loi.

Tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi « relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » vise à pérenniser plusieurs des mesures d’urgence décidées dans la loi du 24 juillet 2015 ainsi qu’à donner aux services de renseignement de nouveaux pouvoirs profondément attentatoires à nos libertés.

Inscrit en urgence dans le calendrier parlementaire à la suite d’autres lois liberticides, comme la loi « Sécurité Globale » ou la loi dite « séparatisme », ce texte est une nouvelle étape dans l’emballement sécuritaire qu’impose le gouvernement depuis plusieurs mois.

Concernant les dispositions « renforçant la prévention d’actes de terrorisme », les organisations membres de l’OLN rejoignent les critiques émises par la note d’analyse des membres du réseau « anti-terrorisme, droits et libertés ».

Concernant les dispositions « relatives au renseignement», plusieurs d’entre elles sont nouvelles et viennent considérablement renforcer les pouvoirs de surveillance des services de renseignement, parmi lesquelles : la facilitation des échanges d’informations entre les services de renseignements entre eux et avec d’autres services de l’État (article 7), la conservation pendant 5 ans, à des fins de recherche et développement, des informations obtenues dans le cadre d’opérations de renseignement (article 8), la possibilité de forcer les opérateurs et fournisseurs de communications électroniques à coopérer avec les services de renseignement sur des techniques d’intrusion informatique (article 10), la surveillance des communications satellitaires (article 11).

Concernant les algorithmes de surveillance dits « boîtes noires » (articles 12 à 14), le texte veut pérenniser et étendre ces dispositifs de surveillance de masse, pourtant votés de manière expérimentales en 2015 et dont il n’existe à ce jour aucun rapport public explicitant l’intérêt ou l’efficacité réelle pour les services de renseignement.

Concernant la conservation des données de connexion (article 15), le projet de loi vient modifier à la marge le système existant qui oblige les opérateurs à conserver pendant un an l’ensemble des données de connexions de la population. Ce système a pourtant été jugé en grande partie inconventionnel par la Cour de Justice de l’Union européenne en octobre dernier.

L’ensemble des dispositions de ce projet de loi n’a donné lieu qu’à un débat public limité et à une relativement faible attention des acteurs médiatiques, bien loin des craintes énoncées lors de la loi de 2015 et qui concernait pourtant plusieurs dispositifs similaires. Il représente pourtant une nouvelle étape dangereuse dans les atteintes régulières et toujours plus importantes portées par ce gouvernement à nos libertés.

C’est une nouvelle mise en œuvre de ce terrible « effet-cliquet » sécuritaire : il n’y a jamais de retour en arrière sur les expérimentations et mesures liberticides mises en place, aucun retour plus favorable aux libertés, et ce quand bien même des demandes légitimes et mesurées seraient avancées (augmentation des pouvoirs de la CNCTR, contrôle des échanges avec des services étrangers, réels pouvoirs de contrôle parlementaire, réelle possibilité de contestation individuelle…).

Malgré la complexité du sujet, le Sénat est appelé à se prononcer en moins d’un mois sur ce texte. Les organisations membres de l’OLN ainsi que Wikimedia France appellent les sénatrices et sénateurs à refuser cette urgence et à rejeter ce texte.


[1] Signataires :

Organisations signataires membres de l’OLN (Le CECIL, Creis-Terminal, La Ligue des Droits de l’Homme (LDH),  La Quadrature du Net (LQDN), Le Syndicat des Avocats de France (SAF), Le Syndicat de la Magistrature (SM) et Wikimedia France