Conférence de presse sur le projet de loi Renseignements

Conférence de presse sur le projet de loi sur le Renseignement   jeudi 26 mars à 9h30 dans les locaux de la Quadrature du Net à l’appel de :

Amnesty international France

Observatoire des libertés et du numérique (CREIS-Terminal, La Ligue des Droits de l’Homme, La Quadrature du Net, Le CECIL, Le Syndicat de la Magistrature, Le Syndicat des Avocats de France)

Reporters Sans Frontières

 

Le projet de loi sur le Renseignement présenté jeudi 19 mars devant le conseil des ministres a soulevé une inquiétude certaine parmi les magistrats et professionnels du droit, les associations de défense des libertés et les acteurs de l’Internet.

Par les mesures que ce projet de loi entend légaliser, par l’impact de celles-ci sur les libertés publiques et sur l’utilisation d’Internet, par le déficit de contrôle à toutes les étapes, ce projet de loi semble à ces acteurs être en l’état,   et dans ses fondements, incapable de protéger suffisamment les citoyens français et dangereux pour l’État de droit et l’intégrité des réseaux de communication.

Une vidéo des diverses interventions est visible sur : http://www.laquadrature.net/fr/petit-dejeuner-de-presse-loi-renseignement

Loi renseignement : tous surveillés !

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN)
Paris, le 24 mars 2015

Loi renseignement : tous surveillés !

Présentant le projet de loi relatif au renseignement adopté en Conseil des ministres ce 19 mars 2015, le Premier ministre a fièrement assuré qu’il contenait « des moyens d’action légaux mais pas de moyens d’exception ni de surveillance généralisée des citoyens » !

Certes, ce projet légalise des procédés d’investigation jusqu’à présent occultes. Mais pour le reste, les assurances données quant au respect des libertés relèvent d’une rhétorique incantatoire et fallacieuse. Et, prétendant que ce projet de loi fait l’objet d’un large consensus, le gouvernement soumet l’examen du projet en procédure accélérée, confisquant ainsi le débat parlementaire.

« Pas de moyens d’exception » : sonoriser des espaces privés, capter des images, accéder en temps réel aux données de connexion Internet ou installer des dispositifs de recueil des communications couvrant de larges périmètres de l’espace public, suivant la technique du chalutier jetant son filet pour faire le tri ensuite : voilà donc des dispositifs qui ne constituent pas « des moyens d’exception » ! Faudrait-il donc admettre qu’ils relèveront dorénavant du quotidien le plus banal ?

« Pas de surveillance généralisée des citoyens » : au prétexte de la lutte légitime contre le terrorisme, le projet déborde largement hors de ce cadre. Il prévoit que les pouvoirs spéciaux de renseignement pourront être mis en œuvre pour assurer, notamment, « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Au nom de la lutte contre le terrorisme, ce sont donc aussi les mouvements de contestation sociale qui pourront faire l’objet de cette surveillance accrue. L’ensemble des citoyens constituera ainsi la cible potentielle du contrôle, à rebours de ce qui est affirmé.

Plus grave, tout le dispositif est placé entre les mains de l’exécutif évitant le contrôle par le juge judiciaire de mesures pourtant gravement attentatoires aux libertés individuelles qu’il est constitutionnellement chargé de protéger.

La vérification du respect des critères, particulièrement flous, de mise en œuvre de ces pouvoirs d’investigation exorbitants, est confiée à une commission qui fonctionne selon une logique inversée : pour les autoriser, un seul membre de la commission suffit, sauf en cas d’urgence, où l’on s’en passe. Mais pour recommander d’y renoncer, la majorité absolue des membres de la commission doit se prononcer, l’exécutif demeurant en dernier ressort libre d’autoriser la mesure. Et si la commission ne dit mot, elle consent. L’atteinte à la liberté devient ainsi la règle, la protection l’exception.

Ce n’est qu’a posteriori, et seulement si le filtre de la commission est passé, que des recours juridictionnels pourront être formés, exclusivement devant le Conseil d’Etat. Et, secret défense oblige, ils seront instruits sans respect du contradictoire. Ils resteront illusoires quoiqu’il en soit, puisque par définition, le plaignant doit être dans l’ignorance des mesures de surveillance qui peuvent le concerner.

Enfin, vice majeur du dispositif, aucune limite n’est fixée pour déterminer à quel moment et selon quels critères le régime du renseignement relevant d’une police administrative d’exception doit laisser place à une enquête judiciaire de droit commun, avec les garanties qu’elle comporte pour ceux qui en font l’objet. Le juge judiciaire pourrait donc continuer ainsi de rester à l’écart d’investigations portant sur des délits ou des crimes dont l’élucidation relève pourtant de sa mission.

Ce projet de loi installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité. Il est à ce titre inacceptable. Seul un véritable contrôle a priori de techniques de renseignement proportionnées et visant un objectif strictement défini relevant de la sécurité nationale, restera respectueux des droits fondamentaux.

L’Observatoire des libertés et du numérique appelle les citoyens et les parlementaires à se mobiliser pour conduire ce projet vers sa seule finalité légitime : mettre les dispositifs d’encadrement de la surveillance et du renseignement en adéquation avec les exigences de l’Etat de droit.

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.

2015 : le combat pour les libertés est plus que jamais notre mission !

Il y a maintenant un an, le 28 janvier 2014, était créé l’observatoire des libertés et du numérique (OLN), à l’initiative d’associations et de syndicats soucieux de remettre au coeur du débat politique la protection des libertés face aux assauts combinés d’une surveillance étatique et d’un fichage privé, présentés comme inéluctables et ainsi normalisés pour de nombreux citoyens.
L’année 2014 n’a pas dérogé à cette dérive, tant elle a été placée dès l’aube – avec le vote de la loi de programmation militaire – sous le signe de la surveillance et de l’érosion des libertés, tout particulièrement sur internet, désigné comme un fauteur de trouble, presque complice des pires atrocités. La mise au pilori de cette espace collectif de débat s’est d’ailleurs poursuivie lorsque la représentation nationale a été saisie, dans l’urgence, d’une énième loi antiterroriste. Dans un débat confisqué par la peur, où la réflexion critique a cédé face à un unanimisme répressif, l’arsenal pénal a été encore alourdi et dévoyé au service de la neutralisation préventive tandis que l’administration voyait ses pouvoirs décuplés sur le net comme à l’égard des citoyens, dans un élan de suspicion généralisée.
Les interventions des organisations de défense des libertés et de l’OLN ont pu faire la lumière sur les renoncements au parti des libertés. Dénoncer, encore et toujours, l’absence de saisine du Conseil constitutionnel sur la loi du 13 novembre 2014, l’inertie d’un gouvernement pourtant condamné par la CEDH à deux reprises pour ses fichiers de police (FAED et STIC), la passivité face aux révélations d’Edward Snowden sur le développement progressif d’une surveillance généralisée internationale et l’absence d’une action résolue pour la protection des lanceurs d’alerte.
Les évènements dramatiques du début de l’année 2015 n’entament pas la détermination de l’OLN : ils invalident assurément le dogme sécuritaire qui façonne depuis plus de 20 ans notre monde. Les hommes et les femmes mobilisés dès le soir de l’attaque contre Charlie Hebdo ne s’y sont pas trompés, criant leur refus d’un « Patriot act » en France, demandant plus de démocratie face à la terreur.
En cette journée de la protection des données personnelles, l’OLN veut encore croire qu’il est possible de faire un pas de côté dans un débat public de nouveau suspendu par l’effroi, où se multiplient les appels à plus de surveillance, cette fois-ci en renforçant les moyens juridiques des services de renseignement.
L’OLN conteste cette vision indéfiniment extensible du filet de la surveillance, qui a présidé à l’entrée en vigueur du blocage administratif des sites, inefficace contre ceux qui sont visés, qui le contourneront facilement, attentatoire aux libertés de tous. Mais aussi l’entrée en vigueur d’un fichier API-PNR de contrôle des déplacements aériens de tous les citoyens dont les garanties sont très faibles. Les annonces n’ont pas tardé, pour étendre ce fichier à l’Europe (qui le refusait en 2011 au nom des libertés civiles), et surtout, pour donner aux services de l’ombre plus de possibilités d’écoutes administratives et des pouvoirs policiers dérogatoires. Autant de mesures qui contribueront à retarder encore la judiciarisation des affaires de terrorismes, et les garanties procédurales qui vont avec.
L’OLN poursuivra donc son combat pour que la terreur ne fasse pas muter la démocratie, pour redire aux citoyens et aux décideurs que la surveillance est l’affaire de tous, et pas uniquement de ceux qui auraient « quelque chose à cacher », que l’internet est, et doit rester le lieu du libre débat que seule une procédure équitable peut limiter. Et que la protection des libertés ne s’arrête pas au premier cri pour la liberté d’expression : c’est bien contre le rétrécissement continu des droits et libertés qu’il faut militer, aujourd’hui plus encore qu’hier, afin que la lutte contre le terrorisme ne sape pas les fondements de la démocratie au motif de la défendre !

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.

 

REFORMER LES FICHIERS DE POLICE : Stic et nunc ! Combien faudra-t-il de condamnations de la CEDH pour que la France réforme les fichiers de police ?

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN)
Paris,  le 6 octobre 2014

Rien n’ébranlera donc les tenants du fichage policier ! Ni les multiples critiques émises par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à l’encontre de fichiers pour beaucoup constitués en dehors de tout cadre légal par l’administration, avant d’être « régularisés » au cas par cas, devenus tentaculaires avec le temps et pourtant si peu fiables, à l’image d’un Système de traitement des infractions constatées (Stic) rempli de données erronées dans 80 % des fiches ; ni les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), le 18 juillet 2013, pour le Fichier automatisé des empreintes digitales (Faed), le 18 septembre 2014, pour le Stic ; ni les condamnations qui ne manqueront pas d’intervenir sur les mêmes motifs pour le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

Aveuglé par la prétendue efficacité policière de ces fichiers de population, ce gouvernement – comme ses prédécesseurs – fait la sourde oreille : il ne voit que la « finalité » des fichiers, qui légitime leur abreuvement continu, sans se soucier de leur champ, de l’exactitude des données qu’ils contiennent et du contrôle et suivi des accès. C’est pourtant bien ce à quoi la CEDH invite l’Etat français : repenser les données introduites dans les fichiers au regard des principes de proportionnalité, de pertinence, de non-excessivité et de non-stigmatisation, mais aussi ouvrir un véritable recours pour obtenir un effacement de ces données.

L’urgence est bien là : réformer un fichier Stic (devenu Taj), constitué de plus de six millions de fiches, voué à conserver pendant vingt ans les données relatives à des mises en cause, quelle que soit la gravité des faits, sans perspective d’effacement pour ceux qui n’auraient pas bénéficié d’une relaxe ou d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée (et même pour ceux-là, l’effacement n’est pas garanti). Atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, nous martèle la CEDH, car le recours au procureur de la République pour l’effacement du fichier n’est pas effectif. Celui qui devrait se faire juge de la pertinence du maintien d’informations dans le fichier est, en l’état du droit, privé de tout pouvoir d’appréciation, et le citoyen est bien seul face au fichage.

L’urgence est aussi ailleurs, dans les fichiers qui contiennent et conservent pour de longues années (jusqu’à quarante ans, assimilables à une conservation quasi infinie) les données identifiantes de plus de quatre millions d’empreintes digitales au Faed, plus de deux millions d’empreintes génétiques au Fnaeg. Loin de ne recueillir que les empreintes des personnes définitivement condamnées pour des crimes, ces fichiers accumulent les empreintes de personnes mises en cause encore présumées innocentes – 80 % des personnes inscrites au Fnaeg – mais aussi de condamnés dans des affaires mineures, tant la liste des infractions concernées par les prélèvements, d’abord limitée aux crimes les plus graves, s’est étendue au mépris des principes de nécessité et de proportionnalité.

L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) ne se satisfait pas des réponses convenues faites à sa précédente interpellation de la garde des Sceaux. Il appelle à une réforme urgente et en profondeur de l’ensemble des fichiers de police, qui en réduise drastiquement le champ et les durées de conservation, en exclue les personnes non encore condamnées et en permette véritablement l’effacement pour des motifs légitimes. Ce n’est qu’à ces conditions que sera mis fin à ce fichage policier de masse, qui, selon les termes de la CEDH, « ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique ».

Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.